Inauguration d’une place Mis et Thiennot sur la commune de Thenay (36)

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Le samedi 24 mars 2012 la commune de Thenay venait rejoindre les quelques communes qui ont décidé d’afficher leur foi en l’innocence de Mis et Thiennot…


Discours de Léandre Boizeau

Les faits sont têtus. Les hommes et les femmes de ce pays le sont aussi. Tranquilles mais déterminés, les élus de notre région continuent jour après jour d’affirmer leur soutien à la cause de Mis et Thiennot.

Après Le Poinçonnet, Thénioux, Neuillay-les-Bois, Villedieu, Saint-Gaultier, aujourd’hui, ce sont les élus de Thenay qui, sans avoir été sollicités par notre Comité, ont décidé de donner le nom de Mis et Thiennot à cette place. Qu’ils en soient vivement remerciés, chaudement félicités : ce qu’on appelle le courage politique qui est une vertu républicaine majeure, c’est précisément ça, cette capacité qu’ont certains élus à s’engager pour une cause quand elle est juste sans se soucier des retombées électoralistes, administratives ou autres.

Argenton, Le Blanc, Saint Georges-sur-Arnon ont aussi décidé de se doter d’une rue ou d’une place Mis et Thiennot, d’autres communes vont suivre. Le mouvement est en cours qui devrait interpeller les autorités de ce pays.

Mais que se passe-t-il donc en Berry terre réputée calme et docile pour que des élus affichent ainsi publiquement leur hostilité à une décision de justice ?
La Justice elle-même ne devrait-elle pas s’interroger sur le pourquoi d’un tel engagement en faveur de Mis et Thiennot qui restent officiellement condamnés au regard de la loi ?

On préfère garder le silence comme l’ont gardé celles et ceux qui, il y a plus de soixante ans ont entendu, nuit après nuit, les cris, les hurlements de Raymond, de Gabriel et de leurs six compagnons de souffrance qu’on battait, qu’on torturait dans la mairie de Mézières.

Le silence, le voilà bien le maître mot de l’affaire Mis et Thiennot !

Celui de la mauvaise conscience de toute une population qui savait et qui n’a rien dit. Celui d’une justice qui a couvert les exactions de la police et de la gendarmerie et qui se réfugie maintenant derrière une « vérité judiciaire » qui est tout sauf la vérité. Une justice qui à force de nier les évidences en arrive à
pratiquer un négationnisme de mauvais aloi à coups d’arguties juridiques.
Une justice qui se discrédite chaque jour un peu plus aux yeux des justiciables de ce pays.

Alors qu’on ne compte pas sur nous, Comité de Soutien pour la révision du procès Mis et Thiennot, pour entrer dans le jeu du faire semblant. Messieurs les magistrats de la Cour de cassation vous allez avoir à vous prononcer très prochainement sur les termes de la sixième requête en révision déposée par Jean-Pierre Mignard, notre avocat.

Les « aveux » obtenus dans les conditions que l’on sait peuvent-ils être juridiquement considérés comme valables au regard de la loi ? Faut-il, messieurs les magistrats vous faire opérer des oreilles pour que les cris des victimes vous déchirent les tympans jusqu’à l’insoutenable ? Allez-vous continuer longtemps, messieurs les magistrats, d’afficher votre soutien à un commissaire qui après avoir participé en 1942 à la rafle des Juifs étrangers dans notre région infligeait ce qu’il appelait la « prière des Juifs » à Raymond Mis, Gabriel Thiennot et à leurs six compagnons ? Jusqu’à ce que leurs phalanges éclatent sous la pression dans une nuit brennouse éclaboussée de sang, de cris et pourtant comme frappée d’une étrange torpeur. Est-ce cette même torpeur qui gagnait certains d’entre vous dormant au cours des débats de la Cour de Cassation en juin 1988.

Messieurs les magistrats, réveillez-vous !

Vous avez déjà raté une belle occasion de redorer le blason de la justice que vous êtes censés représenter en ne révisant pas leur procès avant leur disparition.

« Jusqu’à la mort ! » disaient-ils l’un et l’autre en évoquant le combat de leur vie. Une vie entière passée, l’un comme l’autre, à essayer de rétablir la vérité, à essayer de retrouver leur dignité d’hommes injustement condamnés. A-t-on idée de ce que peut représenter un tel combat ?

Un homme ici le sait, Bernard Chauvet, lui aussi injustement condamné après avoir été, lui aussi torturé, un homme cassé qui n’a pourtant jamais cessé de se battre pour retrouver son honneur bafoué.

Merci d’être ici Bernard, pour témoigner. Et ton témoignage est gênant, terriblement gênant pour ceux qui ne veulent ni voir ni entendre.

Gabriel Thiennot et Raymond Mis nous ont quittés sans voir leur procès révisé. C’est une déchirure que tous ceux qui ont côtoyé ces deux hommes-là portent en eux. C’est cette déchirure qui est un des moteurs de notre action. C’est elle qui animait Jean-Paul Thibault notre avocat bénévole, on ne le répétera jamais assez pendant trente ans. Parti lui aussi et qui s’est battu jusqu’au bout de ses forces pour obtenir cette révision.

Madame le Maire et vous les élus de Thenay, en inaugurant ce matin une place Mis et Thiennot, vous vous inscrivez, à votre manière, dans le combat que les hommes et les femmes de bonne volonté de ce pays mènent pour que justice soit enfin rendue à Raymond, Gabriel et à leurs six compagnons.

Cette inauguration qui vient après celle, le même jour, d’une école, illustre de belle manière ce qui est en quelque sorte votre devise : « Thenay Village terre d’avenir ».

Acceptons-en l’augure et faisons en sorte, en restant tous mobilisés, que cet avenir soit à la hauteur de nos espérances.

Léandre Boizeau, président du Comité de Soutien pour la révision du procès Mis et Thiennot