Inauguration d’une rue Mis et Thiennot sur la commune d’Argenton-sur-Creuse (36)

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Le samedi 23 juin 2012, la commune d’Argenton sur Creuse inaugurait une rue Mis et Thiennot, venant ainsi rejoindre les quelques communes qui ont déjà décidé d’afficher publiquement, solennellement, leur foi en leur innocence.


Discours de Léandre Boizeau

Il y a 65 ans presque jour pour jour, la Cour d’Assises de l’Indre se préparait à
rendre un verdict qui allait s’inscrire dans l’histoire. Dans l’histoire chaotique
d’une justice qui était à ce moment-là en pleine phase de reconversion : après
avoir fidèlement servi pendant plus de quatre ans le régime de Vichy et
l’occupant nazi, elle s’employait maintenant à blanchir son image en expédiant devant les pelotons d’exécution beaucoup de lampistes et quelques têtes d’affiche de la collaboration.

Pas d’états d’âme ! Mot d’ordre non écrit dans le code pénal mais bien présent dans l’esprit des juges.

Et ceux de Châteauroux n’auront pas d’états d’âme pour condamner à quinze
ans de travaux forcés deux jeunes gens accusés d’un meurtre avec
préméditation. Quel étrange jugement à une époque où l’on coupe une tête pour moins que ça ! Quelle étrange indulgence à l’égard de deux assassins qui avaient, paraît-il, avoué leur forfait !
Que cachait donc cette si curieuse demi-mesure ?
Victimes d’une erreur judiciaire Mis et Thiennot ?

Non, pire que ça ! Mis et Thiennot ont été victimes en toute connaissance de
cause d’une machination judiciaire destinée à couvrir les exactions policières
commises durant les huit jours de garde-à-vue.

À l’examen, il ne reste que cette seule explication à cette condamnation en
demi-teinte : cette justice, à défaut de sanctionner durement le ou les vrais
coupables qu’elle savait ne pas tenir, a simplement voulu couvrir la police. Une police qui, elle aussi, avait servi fidèlement le régime de Vichy et qui en avait gardé certaines pratiques : le supplice de « la prière des Juifs » technique
employée au cours de « l’interrogatoire » mené à la mairie de Mézières par le
commissaire Daraud qui s’était distingué quatre ans auparavant dans la rafle des Juifs étrangers de la région du Blanc est, à bien des égards un triste symbole de ce que pouvait être l’action policière à cette époque.

Acquittables, ils l’étaient tout autant à Poitiers lors du second procès au cours
duquel le vrai coupable du meurtre du garde Boistard fut désigné publiquement par l’avocat de la défense : « Le coupable est présent dans la salle du Tribunal, c’est un fermier du voisinage, témoin à charge dans ce procès »

Mis et Thiennot prirent vingt ans !

Et pourtant, acquitter Mis et Thiennot dont on avait extorqué les aveux par la
torture et contre lesquels aucune preuve matérielle n’avait pu être retenue était parfaitement possible. Les faits tels qu’ils apparaissaient dans l’acte
d’accusation étaient à ce point si incohérents et si peu crédibles que le Président de la Cour d’assises de Bordeaux, au cours du troisième procès s’adressera aux jurés en ces termes : « Messieurs, les jeunes gens sont acquittables !. Mais ils ont déjà été condamnés à deux reprises s’empressera-t-il d’ajouter pour modérer son propos, alors je vous suggère d’en revenir à la peine à laquelle ils ont été condamnés à Châteauroux : 15 ans. »

Ils seront condamnés à 15 ans !

L’affaire Mis et Thiennot c’est d’abord une enquête qui n’en était pas une,
menée par une police de nervis usant de méthodes indignes héritées de l’époque la plus noire de notre histoire récente.

L’affaire Mis et Thiennot, c’est ensuite un énorme fiasco judiciaire, une sorte de feuilleton à épisodes au cours duquel jamais la justice ne trouvera moyen de se reprendre. Trois Cours d’assises, cinq requêtes en révision n’y suffiront pas. Mais il n’est pas interdit de penser que la sixième requête en révision très prochainement déposée devant la commission de révision de la Cour de
cassation sera la bonne !

Le Comité de Soutien pour la révision du procès Mis et Thiennot sait faire
preuve d’une ténacité et d’un optimisme hors du commun au service d’une
inébranlable foi en la justice. Nous voulons simplement que justice soit rendue et nous sommes aidés dans cette tâche par tous les élus de ce département qui, jour après jour et de plus en plus nombreux, nous font savoir qu’ils souhaitent inaugurer une rue ou une place Mis et Thiennot dans leur commune.

C’est précisément dans ce cadre qu’aujourd’hui nous sommes réunis à Argenton et pas surpris d’être dans cette ville car Michel Sapin, son maire, est un militant de la première heure de la cause Mis et Thiennot. Dès les années 80, tu étais à nos côtés pour demander la révision du procès, je me souviens, entre autres, d’une manifestation à Mézières-en-Brenne où tu étais présent au premier rang. Pour ton information, Michel, Argenton est la septième commune à se doter d’une rue ou d’un espace public « Mis et Thiennot ». Merci à toi et à l’ensemble des membres du Conseil Municipal qui avez pris cette décision.

Trois autres seront inaugurés avant la fin de l’année 2012 à Saint Georges-sur- Arnon, Le Blanc et Mouhet. Déols a donné son accord, d’autres projets sont en cours de négociations… le mouvement prend de l’ampleur témoignant ainsi de la volonté de tout un département d’afficher son soutien à cette juste cause. Ce qui crée l’événement aujourd’hui, c’est la présence, pour la première fois, d’un Ministre de la République à l’inauguration d’une rue « Mis et Thiennot ». Alors, on va se permettre de te demander d’être notre ambassadeur auprès de tes collègues du gouvernement, auprès de la Ministre de la Justice en particulier, pour leur faire savoir qu’il se passe de drôles de choses dans ce département de l’Indre qui n’est pourtant pas réputé pour être un foyer d’agitation permanent. Dis leur que des rues « Mis et Thiennot » fleurissent partout alors que ces deux hommes sont toujours considérés comme des assassins au regard de la loi. Dis leur que c’est un phénomène étrange sur lequel la justice ferait bien de se pencher sérieusement à l’occasion du dépôt de la sixième requête en révision par
exemple.

Dis leur enfin que toute une population pense depuis longtemps que la justice française s’honorerait de reconnaître l’innocence de Mis et Thiennot.

Léandre Boizeau, président du Comité de Soutien pour la révision du procès Mis et Thiennot.