Alain Ovan, Maire de Beaulieu (deuxième plus petit village du Département de l’Indre) est, on peut le dire, quelqu’un on ne peut plus opiniâtre !…
Le 5 février 2019, Salle Jean Dame à Paris 2ème, il décide d’assister à la projection de « Présumés coupables ». A l’issue du débat, ne sachant guère cacher son émotion, voire la naissance d’une indignation, Alain Ovan indique fermement sa volonté de soutenir le Comité de Soutien dans sa lutte.
L’organisation d’une projection, au sein de sa propre commune, est alors très vite envisagée, elle aura lieu le 29 mars 2019 (voir compte-rendu un peu plus bas). Peu de temps après, Alain n’aura pas de mal à convaincre son Conseil pour que la commune de Beaulieu vienne rejoindre les vingt-cinq communes ayant déjà donné le nom de Mis & Thiennot à une rue, un espace, une salle, un édifice…
Ce samedi 14 septembre, nous étions une bonne cinquantaine de personnes (soit un peu plus qu’il n’y a d’habitants à Beaulieu…) à assister à cette inauguration. Bon nombre d’élus avaient fait le déplacement. Des maires – ayant déjà procédé à une inauguration Mis & Thiennot -, mais d’autres aussi ayant, nous l’espérons, le projet de le faire… Notons la présence de deux Conseillers Départementaux, dont celle Monsieur Gérard Mayaud, Maire de Chaillac, qui profitera de ce rassemblement pour annoncer son engagement d’une yelle initiative avant la fin de l’année 2019.
Merci Monsieur Ovan pour cette très belle inauguration. Quelque chose nous dit que nous nous croiserons souvent lors de prochaines manifestations, car nous savons que votre engagement se voulait bien au-delà d’une « Bonne Action ».
Merci également à Suzanne et Joël pour leur émouvante interprétation de la « chanson pour Raymond et Gabriel » écrite par Rolland Hénault et mise en musique par Elisabeth Gillet.
Photos réalisées par Dany Biais, membre administratrice du Comité de Soutien
Discours d’Helga Pottier, Présidente du Comité de Soutien
Il y a des gens comme ça. Ils connaissent plus ou moins l’affaire Mis et Thiennot, oui, une erreur judiciaire, une de plus, c’est tout. Et un jour, peut-être après avoir vu le film «Présumés coupables», cela leur tombe dessus, cette monstruosité de l’injustice. D’un seul coup, ils comprennent pourquoi on demande toujours leur innocentement, 72 ans après, et alors même que tous les protagonistes sont décédés. Ils sont révoltés devant cette machination judiciaire, et ils agissent à leur niveau pour rendre justice à Raymond et Gabriel.
Alain Ovan, maire de Beaulieu, fait partie de ces gens-là. Après avoir découvert l’énormité de l’affaire Mis et Thiennot, il n’a pas mis longtemps pour organiser une soirée d’information à Beaulieu, ainsi que convaincre son conseil municipal de donner le nom de Mis et Thiennot à un lieu de leur commune.
Nous sommes heureux d’assister à l’inauguration de cet Espace Mis et Thiennot et remercions très chaleureusement tous les membres du Conseil Municipal de Beaulieu pour leur soutien à la cause qui nous préoccupe. Vous et les vingt-cinq communes qui ont déjà agi comme vous, nous apportez une aide précieuse dans notre combat, car vous montrez que l’injustice qui a frappé Raymond, Gabriel et leurs six compagnons d’infortune n’est pas acceptée par la population. Vous rendez hommage à huit hommes qui, toute leur vie durant, ont clamé leur innocence et qui ont été si durement et honteusement méprisés par des juges plus soucieux de leur carrière et de la renommée de leurs collègues que de la justice. Vous passez outre le fait que Raymond et Gabriel sont toujours considérés comme des assassins par la justice. Vous savez qu’ils sont innocents, eux ainsi que leurs six camarades d’infortune: André Chichery, Emile Thibault, Gervais Thibault, Stanislas Mis, Bernard Chauvet et Jean Blanchet.
Nous ne supportons pas le mépris avec lequel la justice a traité cette affaire. Comme le disait Jean-Paul Thibault, notre avocat bénévole jusqu’à son décès en 2010 : «Ils se sont trompés, et le pire, c’est qu’ils savent qu’ils se sont trompés. C’est qu’ils savent qu’en ne révisant pas, ils ont conforté ce qu’ils savent être une erreur judiciaire. Et ça, ce n’est pas admissible sur un plan humain, ce n’est pas admissible sur un plan juridique, ce n’est pas admissible parce qu’on refuse d’appliquer la loi de 1989 en matière de révision des procès, ça, (…), c’est le déshonneur ultime de notre Justice en ce début de 21e siècle.»
Avant de pouvoir déposer une septième requête en révision, nous devons convaincre le législateur de changer la loi qui régit les révisions de procès : si les faits de torture sont avérés, une révision de procès devrait être accordée systématiquement.
C’est une entreprise difficile. La preuve, cela fait quatre ans – depuis le refus de notre sixième requête en mars 2015, que nous nous y efforçons, jusqu’ici sans succès. Il est vrai que les députés sont occupés et souvent surchargés par des questions d’actualité, mais notre demande est tout aussi importante et actuelle: il est impératif que des aveux obtenus sous la torture ne puissent être pris en compte. Mis et Thiennot ont déjà trop longtemps attendu. Nous sommes impatients de demander une nouvelle fois aux juges de revoir le dossier avec un regard impartial, d’admettre l’erreur de leurs confrères et de rendre enfin justice à Raymond et Gabriel.
Après 72 ans, l’affaire Mis et Thiennot est et restera notre préoccupation tant que la Justice n’aura pas reconnu son erreur, et que nous n’aurons pas obtenu la révision de leur procès.
Helga Pottier, Présidente du Comité de Soutien pour la Révision du Procès Mis et Thiennot
Discours du Maire de Beaulieu, Alain Ovan
Madame la Conseillère départementale
Messieurs les Maires
Mesdames, Messieurs les élus
Madame la Présidente du Comité de soutien Mis et Thiennot
Mesdames, Messieurs les membres du Conseil d’Administration
Mesdames, Messieurs
Les excuses de M. le Préfet
de Mme le Sous-Préfet
de Mme la Sénatrice
de Mesdames et Messieurs les Maires
Nous sommes réunis aujourd’hui à Beaulieu en ce lieu pour honorer un combat juste, le combat qui a bouleversé à jamais la vie de 14 personnes, plus particulièrement pour Raymond Mis et Gabriel Thiennot injustement condamné pour un meurtre qu’ils n’ont pas commis.
Votre présence, Madame Thiennot avec votre fils Thierry, témoins vivants d’une des plus graves erreurs judiciaires du 20ème siècle.
N’oublions pas le texte le plus emblématique de la constitution française, Article 9, qui rappelle que tout citoyen est présumé innocent et que la justice ne doit pas être le fait d’un lynchage ou engendrée par la torture et que l’on ne peut pas faire justice soi-même.
Voici ce qui est inscrit dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen:
Liberté – Egalité – Fraternité
Devise de la France, ces lieux symboles de la République, ces lieux où leur principale mission est de satisfaire les besoins quotidiens de la population, ces lieux où il est inscrit engrandes lettres.
Liberté: Mais quelle liberté, celle que la justice a volée à Raymond et Gabriel ?
Egalité: Cette égalité où il est question d’absence de toute discrimination entre les êtres humains sur le plan de leurs droits. Raymond et Gabriel, ont-ils eu cette égalité ?
Fraternité: Quelle fraternité, celle de la politique de la main tendue, fraternitas en latin, qui désigne les relations entre frères, entre peuples ? Quelle fraternité, celle des liens de solidarité et d’amitié entre des êtres humains ? Raymond et Gabriel ont-ils eu cette Fraternité ?
Lors de la projection du film «Présumés coupables» le 30 mars 2019 dans la salle polyvalente de Beaulieu, Gabriel Thiennot, lors d’une interview laisse échapper ses larmes et déclare «Excusez-moi». Ce n’est pas à vous, Monsieur Thiennot, de présenter vos excuses, c’est à la Justice de le faire.
C’est à la Justice de reconnaître qu’elle a condamné à tort deux innocents.
C’est à la Justice de reconnaître ses multiples erreurs.
C’est à la Justice d’accepter maintenant la révision du procès, pour que Justice leur soit enfin rendue.
N’oublions jamais, c’est cette même justice qui a jugé des aveux volés sous 7 jours de torture, torture qu’aucune personne ici présente n’aurait pu endurer si longtemps.
Cette justice doit maintenant rendre l’honneur qu’elle a volée à Raymond Mis et Gabriel Thiennot.
La Commune de Beaulieu, par la voix de son Conseil Municipal, a choisi d’honorer la mémoire de Raymond et Gabriel; par cette plaque, leur mémoire sera en ce samedi, 21 septembre 2019, gravée à jamais dans notre patrimoine communal.
Merci. Respect à tous.
Alain Ovan, Maire de Beaulieu