Faverolles, inauguration d’une rue

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Encore une fois la volonté, le courage et la détermination ont permis ce samedi 24 mai 2014 à Faverolles, petit  bourg située dans le nord du département de l’Indre, de venir rejoindre les douze autres communes qui affichent, haut et fort, leur soutien à la cause Mis et Thiennot.


Discours d’Helga Pottier

C’est avec grand plaisir que nous sommes rassemblés aujourd’hui pour inaugurer la Rue Mis et Thiennot à Faverolles. Il faut du courage pour donner à un lieu public le nom de personnes condamnées pour meurtre et s’opposer ainsi publiquement à une décision de justice.

Monsieur le Maire, vous et votre Conseil municipal avez ce courage, et nous vous remercions très chaleureusement de soutenir notre combat pour l’innocentement de Raymond Mis et Gabriel Thiennot, mais aussi pour leurs camarades de chasse condamnés pour complicité, à savoir Émile Thibault, Gervais Thibault, Stanislas Mis, Bernard Chauvet, Jean Blanchet et André Chichery.

Faverolles est la 13ecommune à faire cette démarche importante et montre ainsi une nouvelle fois aux juges que la machination judiciaire qui a frappé Raymond Mis et Gabriel Thiennot est inacceptable pour les habitants du Berry. Que leurs trois condamnations successives ne passent pas, même 67 ans après les faits. Que l’attente d’une réhabilitation est toujours aussi forte. Que les citoyens du Berry ne sont pas en paix avec la justice. Que nous sommes toujours aussi révoltés contre un jugement inique basé sur des aveux obtenus sous la torture.

Torture qui a duré huit jours et nuits de garde à vue. Torture qui n’a pas ému les juges qui avaient à se prononcer lors de nos cinq requêtes en révision. Torture qui n’a pas empêché le commissaire Daraud qui menait les interrogatoires, de terminer sa carrière en beauté, décoré de la légion d’honneur.

C’est la brutalité du commissaire Daraud qui a fait basculer la vie des huit jeunes gens. Le souvenir de ces huit nuits de torture les a poursuivis toute leur vie : pas un jour qui n’ait été assombri par la pensée de ces terribles événements, pas une nuit qui n’ait été hantée par des cauchemars.

La Rue Mis et Thiennot, ici à Faverolles, revêt un caractère particulier car cette rue est régulièrement empruntée par des enfants. Il est important que les enfants entendent les noms de ces hommes qui ont été victimes d’une erreur judiciaire indéniable. Il est important que leurs parents, par cet exemple, puissent leur expliquer qu’il faut se battre contre toute injustice. Continuer de se battre aujourd’hui pour la révision du procès Mis et Thiennot, c’est refuser l’injustice qui a brisé des destins et a marqué à vie des innocents. Ces innocents qui ont essayé jusqu’à leur dernier souffle de retrouver leur dignité d’hommes injustement condamnés, qui ont toujours clamé leur innocence.

Nous attendons de la justice qu’elle se reprenne enfin, qu’elle reconnaisse s’être lourdement trompée et avoir persisté pendant plus de 60 ans à nous asséner son ignoble «vérité judiciaire», avec un mépris insupportable, en enfonçant à chaque refus de révision un peu plus ces hommes broyés dans leur jeunesse par l’injustice. Chaque fois, elle a aggravé son cas ; chaque fois, elle a perdu un peu plus de sa crédibilité aux yeux des habitants du Berry et de tous ceux qui ont eu connaissance de cette affaire à travers la France.

Il est grand temps que la justice prenne de la hauteur et qu’elle nous montre qu’elle est digne de confiance. En redonnant leur honneur à Raymond Mis et Gabriel Thiennot, elle s’honorerait elle-même.

Nous attendons la réponse de la justice à notre sixième requête en révision présentée par nos avocats Maîtres Mignard et Blard. Nous sommes impatients de voir enfin reconnue l’innocence de Raymond et Gabriel, qui est l’évidence même pour tous ceux qui se sont battus par le passé, qui se battent aujourd’hui et se battront encore demain.

Car nous sommes tous des enfants de Mis et Thiennot.

Helga Pottier, présidente du Comité de Soutien pour la Révision du Procès Mis et Thiennot

Discours de William Guimpier

Monsieur le Vice-Président du Conseil Général, Maire de Valençay,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,

Tout d’abord, je voudrais excuser Monsieur Jean BLANCHET, dernier survivant de cette douloureuse affaire, absent pour raison de santé et Monsieur Alain Pasquer, Maire du BLANC, retenu par d’autres engagements pris antérieurement.

Nous sommes tous ici réunis en ce jour, pour inaugurer l’ancienne rue des Écoles qui portera désormais le nom de rue « Mis et Thiennot ».

Pourquoi cette rue ? Tout simplement, c’est l’une des plus passagères de notre village avec l’accès aux écoles, à la salle des fêtes et à l’espace d’associations où il y a beaucoup d’activités.

Tout d’abord, je tiens à remercier mes collègues et amis, adjoints et conseillers municipaux qui, lors de notre séance du 27 janvier 2014, ont décidé sur ma proposition et à l’unanimité, le changement de dénomination de la rue des écoles en « rue Mis et Thiennot ».

Pourquoi une rue « Mis et Thiennot » à Faverolles ?

La première des raisons est que je considère qu’un élu de la République a le devoir de dénoncer toutes les injustices que génère notre système. Nous devons soutenir le combat que mène le Comité de Soutien depuis des années afin de faire reconnaître l’innocence de ces malheureux. De nombreuses demandes de révision du procès ont été faites, sans succès. Pourtant, de nouveaux éléments sont venus s’ajouter au dossier, apportant les preuves de l’innocence de tous les accusés, le nom du coupable a même été donné, toujours sans succès.

C’est incompréhensible et scandaleux que notre justice soit aveugle à ce point; il n’est pas infamant de reconnaître une erreur aussi flagrante soit-elle; il n’y a pas pire blessure qu’être déclaré coupable lorsque l’on est innocent. Aujourd’hui, je crois que le moment est venu d’accélérer la pression par des actions même modestes, comme ce matin. Votre présence nombreuse aujourd’hui, me laisse penser qu’il faut aller dans ce sens. A un moment, on a dit que cette affaire était politique mais comme l’a bien dit mon collègue Michel Blondeau lors de l’inauguration de la rue « Mis et Thiennot » à Déols, cette affaire n’a rien de politique : c’est tout simplement l’une des plus graves erreurs judiciaires du XXème siècle que ne veut pas reconnaître notre justice.

Brièvement, je vais vous rappeler les faits : le 29 décembre 1946, un groupe de 14 personnes participent à une partie de chasse à Saint-Michel-en-Brenne. En fin d’après-midi, le garde Louis Boistard, employé de la famille Lebaudy, est abattu de quatre coups de fusil. Aussitôt, les soupçons se portent vers le groupe de chasseurs qui était passé à proximité du lieu du drame. Interrogés, huit d’entre eux seront inculpés après des aveux obtenus sous la torture, puisqu’ils seront battus, humiliés, torturés pendant une semaine. Après trois procès successifs, à Châteauroux, Poitiers et Bordeaux, les peines infligées iront de 18 mois à 15ans de travaux forcés. Tous, ils n’ont jamais cessé de clamer leur innocence. Les huit sont accusés : Raymond MIS, 20 ans, Gabriel Thiennot, 20 ans, tous les deux accusés du meurtre et condamnés à 15 ans de travaux forcés; Émile THIBAULT, 26 ans, Gervais THIBAULT, 23 ans, Stanislas MIS, 20 ans, Bernard Chauvet, 18 ans, condamnés à deux ans de prison pour complicité, André Chichery, 26 ans, et Jean BLANCHET, 21 ans, condamnés à 18 mois de prison pour complicité. Aujourd’hui, seul, Jean BLANCHET est encore de ce monde, il a 89 ans.

Cette présentation rapide vous montre l’horreur qu’on pu vivre ces jeunes gens. Tout simplement, les mêmes pratiques, les mêmes méthodes que la Gestapo. Personnellement, je veux vous expliquer comment j’ai pris connaissance de tous les éléments et faits de cette affaire et je suis très ému pour vous en parler. En 1970, j’ai fait la connaissance de la famille Thiennot. Jeannine, l’épouse de Gaby, a été la nounou de ma fille pendant des années (aujourd’hui encore,c’est toujours « Nounou »). Ma fille a fait ses premiers pas avec Thierry. Gaby qui travaillait dans une entreprise de maçonnerie à Déols a construit notre maison au Poinçonnet en 1975. C’est à partir de 1970 que j’ai pris connaissance de ce qui s’était réellement passé. J’ai vu Gaby en sanglots bien des fois, il hurlait d’innocence comme l’a si bien écrit dans son deuxième livre, Léandre Boizeau. Je l’ai vu se mettre en colère lorsqu’il me racontait ce qu’il avait enduré, subi. Il m’a montré les séquelles de ses tortures. Il y a des récits qui marquent et que je n’oublierai pas. Un jour, il m’a dit « tu sais, lorsque l’on m’a mis en prison à la maison d’arrêt de Châteauroux, j’ai été soulagé car là au moins, j’étais bien traité et on m’a soigné », c’est vous dire dans quel état il était.

Et puis, dans ces années 1970, j’ai connu une autre famille impliquée dans cette affaire, la famille Thibault de Saint-Genou. A cette époque, je travaillais dans le commercial et madame Thibault était une cliente. J’ai eu à de nombreuses reprises, l’occasion de discuter avec Monsieur Émile Thibault, toujours pessimiste sur l’issue de cette affaire. Il me disait qu’il ne verrait jamais cette révision du procès, tant attendue, aboutir. Malheureusement, il avait raison. Il est parti il y a quelques mois sans que justice lui soit rendue. J’en profite pour saluer le courage et la dignité de ces familles tant éprouvées qui, depuis des années, vont de désillusions en échecs et qui, malgré tout, continuent à se battre pour faire reconnaître l’innocence de leurs proches. Bien sûr,ces propos vont également aux autres familles que je ne connais pas.Vous comprendrez mieux, maintenant, le pourquoi de ma motivation à baptiser une rue « Mis et Thiennot » à Faverolles.

FAVEROLLES est la treizième commune à donner le nom de « Mis et Thiennot » à un lieu public. J’espère que cela nous portera chance et qu’enfin la justice reconnaîtra son erreur. Je veux croire en cette issue au pays des droits de l’homme. En 2014, il est inconcevable qu’il en soit autrement. Notre justice s’honorerait enfin à reconnaître son erreur. Je ne voudrais pas terminer mon propos sans remercier et saluer le travail effectué par monsieur Léandre BOIZEAU qui, avec l’écriture de son premier livre « Ils sont innocents » a permis de relancer cette affaire. Une pensée et un grand merci à Maître Jean-Paul THIBAULT qui, pendant des années a œuvré devant la justice pour faire aboutir cette affaire, sans succès, mais quel combat ! Un grand merci également au Comité de Soutien qui, par ses actions, entretient l’espoir et il est grand, pour qu’enfin cette erreur soit reconnue. Je n’oublierai pas mes douze collègues Maires qui, avant moi, ont pris l’initiative de proposer de baptiser un de leur espace public « Mis et Thiennot ». Grand merci à vous d’avoir montré l’exemple.

J’espère et je sais que d’autres initiatives seront prises dans les semaines et mois qui suivent par des communes qui ont en projet de baptiser un lieu de leur village « Mis et Thiennot ». Plus nous serons nombreux, plus nous serons efficaces. Mais cette fois, j’ai bon espoir pour avoir rencontré Maître Mignard et son associé à Déols. Cet excellent avocat parisien est optimiste mais a besoin de nous, élus. Notre appui, même modeste comme ce matin, peut l’aider. Il pourra s’appuyer sur notre engagement et notre détermination pour défendre ce dossier. Personnellement, le moment venu, je suis prêt à manifester avec mon écharpe et d’autres maires, devant le ministère de la justice, pour mettre la pression et montrer que des élus de la République ne sont pas d’accord avec les décisions prises jusqu’à maintenant.

Ce matin, je suis fier de mon Conseil Municipal d’avoir pris cette décision. Je n’oublie pas nos quatre anciens conseillers qui ne se sont pas représentés mais qui avaient voté cette délibération; encore une fois merci.

Courage à tous, on va y arriver.

Je vous invite maintenant à partager le verre de l’amitié et merci à tous de m’avoir écouté .

William Guimpier, maire de Faverolles