Pont Mis & Thiennot à Luçay-Le-Mâle

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Encore une fois, les défenseurs de la cause Mis & Thiennot se seront déplacés en force ce samedi 21 octobre 2017, ce afin de soutenir et d’honorer la belle initiative de la commune de Luçay-le-Mâle (36360), l’inauguration d’un pont Mis & Thiennot.

Pas moins de cent personnes étaient présentes pour assister à cette inauguration et, par la même occasion, souligner comme un symbole fort, un pont qui ferait peut-être basculer notre justice vers une justice plus équitable, plus significative… reconnaissant, de temps à autre, ses erreurs…

Photos réalisées par Dany Biais, André Thibaut & Christian Pineau


Discours de Christian Pineau

Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les élus des 23 autres communes, de l’Indre et du Cher, défendant la cause de Mis et Thiennot, nous sommes très heureux d’assister aujourd’hui à l’inauguration d’un nouveau lieu portant désormais leur nom.

En proposant à votre Conseil municipal d’attribuer le nom de Mis et Thiennot au Pont du Grand-Moulin, récemment refait, vous vous inscrivez dans la liste des Maires qui luttent à nos côtés pour crier haut et fort que Raymond Mis et Gabriel Thiennot sont innocents du crime pour lequel ils ont été condamnés.

Il y a 71 ans, en plein coeur de la Brenne enveloppée de brouillard, huit chasseurs se connaissant à peine traquent le rare gibier dans la froidure de l’hiver. Le jour même, Louis Boistard, le garde-chasse d’un immense domaine, est assassiné.
Rapidement, les huit jeunes gens se retrouvent soupçonnés, de ce qui est resté dans les mémoires comme « Le crime de Saint-Michel-en-Brenne ». Emmenés par les gendarmes à la mairie de Mézières-en-Brenne, ils subissent alors des interrogatoires musclés pendant huit jours et huit nuits. Les coups pleuvent de partout, assénés par le commissaire de police et ses adjoints, venus de Limoges, qui pratiquent des manières de temps de guerre. Les aveux, préparés à l’avance, sont ainsi obtenus sous la torture, chacun finissant par les signer. Conduits à la prison de Châteauroux, ils arrivent si mal en point que les gardiens appellent aussitôt le médecin, qui constate l’état lamentable des hommes : hématomes nombreux, dents cassées, oreilles décollées, côtes enfoncées, poumon perforé, phalanges éclatées, testicule écrasé… Le bilan est très lourd !

Trois procès en Cour d’Assises condamnent Raymond Mis et Gabriel Thiennot
successivement à 15 ans de prison en 1947, 20 ans en 1948 et de nouveau 15 ans en 1950. Leurs compagnons d’infortune, André Chichery, Émile Thibault, Gervais Thibault, Stanislas Mis, Bernard Chauvet et Jean Blanchet, sont quant à eux condamnés en Correctionnelle à 18 ou 24 mois d’emprisonnement pour complicité.

Mais vous savez tous ici qu’ils sont innocents ! Et vous entendez le faire savoir pour obtenir de la Justice qu’elle reconnaisse ses erreurs et rende aux malheureux, aujourd’hui disparus sans avoir été réhabilités, leurs droits et leur honneur.

Inutile de rappeler le calvaire de ces hommes tout au long de leur vie. Cette intense douleur de devoir à jamais porter l’ignominie.

7 ans, 6 mois et 14 jours : c’est le temps passé en prison pour Raymond et Gaby avant que René Coty, le Président de la République, ne les gracie.

La révolte d’un homme contre cette injustice relance en 1980 l’affaire Mis et Thiennot. Il s’agit de Léandre Boizeau qui, s’appuyant sur les minutes du procès qu’il a pu consulter, publie un livre choc, qui fera référence, intitulé « Ils sont innocents ».
Un Comité de Soutien se crée, qui mène le combat, apportant de nombreux faits nouveaux susceptibles d’amener à la Révision des Procès. Une loi Mis et Thiennot est votée à cet effet en 1989. Rien n’y fait : la Haute Cour de Justice s’enferre dans son déni. Balayant d’un coup de main l’évidence même, ne respectant pas plus la Convention internationale contre la torture que la France a signée en 1984 à New-York.

Six requêtes plus tard, nous en sommes au même point : l’amendement de la loi, porté par nos élus, n’a pas été voté ! Nous l’espérions pourtant, car il stipule que « des aveux obtenus sous la torture sont nuls et non avenus. » Ce qui entraîne de fait l’annulation des condamnations.

Mais la lutte continue. Loin de nous abattre, au contraire, elle nous encourage à toujours innover, à insister pour que le nouvel amendement soit enfin adopté, à trouver d’autres lieux à inaugurer (le prochain d’ailleurs devrait être une salle à Néons-sur-Creuse, déjà opérationnelle), enfin à réussir pour Raymond et Gaby.

Aujourd’hui, à Luçay-Le-Mâle, village où je suis né, vous comprenez pourquoi cet acte militant d’attribuer le nom de Mis et de Thiennot au pont sur le Modon me touche sincèrement. L’émotion est palpable… et… Un pont, quel beau symbole !

Un Pont Mis et Thiennot
Pour franchir sans encombre
Les eaux troubles du temps

Passer de l’ostracisme
D’un siècle vieillissant
À l’ouverture d’esprit
D’un autre à peine naissant

Sortez de la pénombre
Chers Raymond et Gaby
Vous êtes innocents !
Ils le diront bientôt !

Merci à toi, Bruno, merci à vous, tous les élus, vous faites de Luçay, 24e commune à soutenir la cause de Mis et de Thiennot, l’honneur de la lutte contre l’inhumaine et insupportable injustice.

Christian PINEAU – 18 octobre 2017

Discours de Bruno Taillandier

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes heureux de vous accueillir dans notre chère commune de Luçay-le-Mâle.

Nous sommes rassemblés pour honorer la mémoire de Messieurs Mis et Thiennot.

Nous sommes rassemblés pour nous souvenir de leur combat afin que justice leur soit rendue …

Vous le savez, l’injustice est une des pires choses qui puisse arriver à un être humain. L’impuissance de crier son innocence, l’impossibilité de dévoiler la vérité aux yeux du Monde est une charge terrible. C’est le combat d’une vie ! Aujourd’hui, pensons à Raymond et Gabriel. Je voudrais saluer les membres de leur famille, leurs amis, qui ont mené cette lutte et qui ont souffert à leur côté. Nous imaginons la terrible épreuve qu’ils ont vécue tout au long de ces
années. Je voudrais remercier la présidente de l’association et tous les membres du comité de soutien, Léandre et vous tous ici présents…

Je voudrais que nous ayons une pensée pour Monsieur BOISTARD, le garde-chasse et sa famille. Premières victimes de cette tragédie.

Je voudrais également remercier le conseil municipal qui a soutenu ce projet, remercier Jean-Marc, Jean-Marc MARCHAIS qui est parmi nous et qui a exposé l’affaire Mis et Thiennot en réunion du conseil municipal. Enfin, je voulais dire que si cette manifestation a pu avoir lieu, c’est grâce à deux personnes. Tout d’abord je voudrais remercier Monsieur William GUIMPIER, Maire de Faverolles en Berry, William, qui avec pudeur et émotion, plaide toujours la cause Mis et Thiennot avec la force de conviction que nous lui connaissons. La seconde personne est à mes côtés c’est mon vieux copain Gaulois, Christian PINEAU … Nous nous connaissons depuis toujours puisque nous sommes fils de Luçay tous les deux. Grâce à son enthousiasme, sa grande persuasion et son engagement total, Christian nous a convaincu de nous engager nous aussi dans cette dure lutte !

Nous avons choisi de baptiser un pont en souvenir de Raymond et Gaby …

Le pont a toujours été un symbole fort et de nombreux philosophes se sont attachés à véhiculer les images que nous inspire cet ouvrage d’art. Passerelle entre deux rives, passage entre deux mondes, rapprochement de deux territoires, de deux nations, de deux pays, nous y verrons aujourd’hui la passerelle entre l’ombre et la lumière, entre le faux et le vrai, entre le mensonge et la vérité.

Mais un pont c’est aussi deux arches qui nous rappellerons éternellement deux hommes, deux amis, liés par un même combat, par une même histoire, par une même tragédie, car si pour tous, leurs noms sont à jamais unis par « l’Affaire Mis et Thiennot » …, pour nous, ils resteront, Raymond et Gabriel !
N’oublions jamais, c’est notre devoir et qu’enfin justice leur soit rendue !

Je vous remercie.

Bruno Taillandier, maire de Lucay-Le-Mâle

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