Deux salles et une place pour Raymond Mis et Gabriel Thiennot

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Samedi 14 juin 2014, la commune de Saint-Georges-sur-Arnon (36100), à la limite du Cher, prenait la ferme position de soutenir la cause Mis et Thiennot en baptisant deux salles socio-culturelles au nom de Mis & Thiennot.


Discours de Jacques Pallas

Mémoire, histoire, espoirs

Tel pourrait être ce jour la toponymie de notre commune aujourd’hui.

De nos jours, on peut peut-être s’interroger sur ce qu’il reste de la commune dans notre pays, dans nos territoires ruraux.

Une image floue, parcellaire, qui correspond à une vague ambiance de révolution écrasée.

Au mieux, certains ont en tête les refrains dans quelques chansons sans parfois bien faire le lien avec les évènements : de l’internationale, au temps des cerises ou la commune de Jean FERRAT.

Cela montre bien l’importance de l’Histoire.

Votre présence Madame THIENNOT Jeanine avec votre famille, vos fils Thierry et Éric, témoins vivants d’une des plus graves erreurs judiciaires du XXème siècle aujourd’hui à Saint Georges, comme les nombreuses initiatives et actions que développent le comité Mis et Thiennot, sa présidente Helga, Léandre, Michel et les 250 membres, bénévoles, qui alimentent les réflexions pour comprendre les leviers sociaux et les enjeux mis en chantier, lors de ce mouvement fait d’Hommes et de Femmes qui, tous ensemble, vous, nous construisons pour soutenir Raymond MIS et Gabriel THIENNOT et leurs 6 camarades, qui n’ont jamais cessé de clamer leur innocence et de réclamer la révision de leur procès et ce, jusqu’ à leur mort.

Les noms de rues, de bâtiments, de places qui y font référence portent des valeurs fondamentales d’émancipation humaine : Révolte face à l’injustice, refus de la soumission et de l’exploitation, démocratie politique et sociale, protection des plus faibles et accès pour le peuple aux richesses de la culture et de l’éducation.

Et dans quelques minutes, avec de nombreux noms de communards, une plaque Raymond Mis et Gabriel THIENNOT, ornera désormais notre place communale et ses deux salles des fêtes.

Cela sera une manière de rappeler à la mémoire des générations combien la commune représente une part du patrimoine populaire et républicain et que ces noms et références s’inscrivent avec les chansons, livres d’Histoires, diverses commémorations et manifestations, dans la construction d’une identité locale qui porte aussi en elle l’espérance d’une société plus juste, plus humaine, pour que de tels faits ne se reproduisent plus jamais et pour ce qui nous concerne, ce jour samedi 14 juin 2014 à Saint Georges, la révision du procès MIS et THIENNOT.

C’est tout le sens de la délibération prise par le conseil municipal lors de la séance du 20 juin 2013 dont l’intitulé précisait : Adhésion au comité de soutien MIS et THIENNOT, inauguration d’un espace public, pour la révision du procès.

68 ans après les évènements, petit rappel

29 décembre 1946 : 18 jeunes gens, moyenne d’âge 21 ans, chassent sur le territoire de la Brenne.
31 décembre 1946 : 1 garde-chasse est retrouvé mort, par arme à feu.
01 janvier 1947 : Deux des 18 jeunes sont arrêtés, Gabriel THIENNOT, Raymond MIS, rejoints très vite par leurs camarades

L’affaire MIS et THIENNOT commence et comme l’affaire SEZNEC fait partie des grandes énigmes judiciaires du XXème.

Une affaire criminelle qui renferme une possible erreur judiciaire qui concerne deux jeunes de 20 et 21 ans qui n’ont jamais cessé de clamer leur innocence et de réclamer la révision de leur procès et ce jusqu’à leur mort.

68 ans après les événements, un très bref rappel s’impose depuis décembre 1946.

N’oublions pas 1946: c’est le lendemain de la libération de notre pays contre la barbarie nazie, qui a fait de très nombreuses victimes civiles et militaires.

N’oublions pas l’attitude pendant la seconde guerre mondiale d’un commissaire dont les pratiques d’enquêteur, étaient celles de la révolution nationale du maréchal PETAIN et d’une coopération pour ne pas dire plus, avec l’occupant nazi.

N’oublions pas que Gabriel THIENNOT, 20 ans, appartenait à une famille de militants communistes, purs et durs, notoirement résistants.Raymond MIS, 21 ans, d’une famille d’immigrés polonais faisant partie de la communauté des « POLLAKS »

N’oublions pas, que emprisonnés avec un traitement indigne, pendant 8 jours de sévices, de tortures, on ne demandait à ces deux jeunes, âgés de 21 et 20 ans, épuisés, anéantis, souffrants, que de signer des dépositions déjà écrites pour eux pour obtenir leurs aveux, sous la torture.

N’oublions pas que depuis leur incarcération, à la mairie de Mézières en Brenne, à la gendarmerie, à la prison de Châteauroux, MIS et THIENNOT et leurs 6 camarades, pendant toute leur vie n’ont jamais cessé de hurler leur innocence, jusqu’à leur mort et n’ont cessé de réclamer la révision de leur procès.

N’oublions pas non plus que le 24 juillet 1954, après 7 ans 6 mois et 14 jours de détention, après une enquête interne, réalisée par la chancellerie, le président René COTY leur accorde une grâce présidentielle.

Libérés les 2 hommes reprennent leur métier d’ouvriers agricoles.

Puis à l’été 1978, Léandre BOIZEAU, enseignant, écrit un ouvrage consacré à l’affaire sous le titre « Ils sont innocents » relançant l’affaire, débouchant sur la constitution du comité de soutien pour la révision du procès MIS et THIENNOT.

Les 5 requêtes :1980-1988-1993-1996- 2007 sont toutes refusées.

Ne pas oublier également, un film à notre disposition, « Présumés coupables » projeté hier soir dans la salle suivi d’un débat.

Merci, à Léandre, Helga, à tous les membres du comité, à vous public, de me permettre et d’honorer avec mon conseil, cette commémoration de mémoire, d’histoire et d’espoirs.

ESPOIR, c’est tout le sens de la 6ème requête déposée en février 2013, avec des arguments juridiques nouveaux, déposés auprès de la commission de révision pour exiger l’annulation d’une partie du dossier, à savoir les témoignages recueillis sous la contrainte, au regard de la convention contre la torture datant de 1984 et signée par la France.

Expurger du dossier de l’ensemble des procès-verbaux établis lors des gardes à vue de Raymond MIS et Gabriel THIENNOT, à savoir toutes les déclarations qui ont été obtenues à l’aide de sévices ou d’actes de tortures, doivent être éradiqués des procédures.

C’est ce qui va tout changer dans ce dossier, ou l’essentiel pour ne pas dire tout ce qui est à charge est constitué des procès-verbaux pendant la garde à vue contenant les aveux obtenus sous la torture, par exemple :

« La prière des juifs »: Une torture consistant à serrer le plus fort possible des morceaux de bois insérés entre les doigts, ce qui cause une douleur extrême et peut provoquer l’éclatement des phalanges.

Formidable espoir, sur une injustice évidente, une innocence qui va de soi.

Voilà, 35 ans après la parution du livre de Léandre BOIZEAU « Ils sont innocents », tous ensemble nous pouvons apercevoir, aujourd’hui, une « première lueur d’espoir ». 68 ans après les faits, cette affaire criminelle renferme une erreur judiciaire de ce XXème siècle et continue à faire parler d’elle.

Rendez-vous pour connaître la décision de cette révision le 12 janvier 2015.

Merci, Madame Jeanine THIENNOT, pour votre courage, vos témoignages, votre participation à chacune des manifestations, votre obstination, à votre famille, à vos fils THIERRY et ÉRIC, qui malgré leurs nombreux coups de colère, contre cette injustice, luttent pour obtenir une justice humaine sociale, équitable, dans notre pays et faire appliquer la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen pour votre père, votre famille et tous les citoyens.

Merci pour votre aimable écoute.

Jacques Pallas, maire de Saint-Georges-sur-Arnon

Discours d’Helga Pottier

Nous sommes heureux d’assister à l’inauguration des Salles Mis et Thiennot à Saint-Georges sur Arnon. Mis et Thiennot – en Berry, ces noms sont synonymes d’injustice et suscitent un sentiment de révolte contre une justice aveugle et cruelle.

Il faut du courage pour s’opposer à la justice de notre pays, en donnant à des lieux publics le nom de deux hommes condamnés pour meurtre et ce, malgré trois condamnations successives aux trois procès d’Assises de Châteauroux, Poitiers et Bordeaux. Il faut du courage pour montrer son désaccord avec le déni de justice qui est fait à Mis et Thiennot.

Monsieur le Maire, vous et votre Conseil municipal avez ce courage, et nous vous remercions très chaleureusement de soutenir notre combat pour l’innocentement de Raymond Mis et Gabriel Thiennot, mais aussi pour celui de leurs camarades de chasse condamnés pour complicité, à savoir Émile Thibault, Gervais Thibault, Stanislas Mis, Bernard Chauvet, Jean Blanchet et André Chichery.

Donner le nom de Raymond Mis et Gabriel Thiennot à deux lieux différents mais liés parleur proximité est une façon particulièrement touchante de leur rendre hommage.

Car ce sont, en 1946, deux jeunes hommes que rien ne prédispose à se rencontrer, si ce n’est un intérêt pour le football. Ils ne se connaissent que de vue avant la partie de chasse fatidique de décembre 1946 qui allait briser leurs vies. La justice – il faudrait plutôt dire :l’injustice – les a liés à jamais.

Huit jours et nuits de torture, trois procès en Cour d’assises et sept ans, six mois et quatorze jours de prison ont fait d’eux des frères de souffrance.

Ils étaient si différents l’un de l’autre : Raymond grand, calme et réservé, Gabriel petit, vif et loquace.

Tous les deux avaient, aux yeux d’enquêteurs bornés et sans scrupules ayant servi sans vergogne le régime de Vichy, le profil idéal de délinquants : Raymond, fils d’immigrés polonais, et Gabriel, sympathisant communiste.

Tous les deux abîmés par la torture et par l’injustice, ont vécu leur vie de façon différente :Raymond, vivant dans le Midi de la France, taisant son vécu douloureux et ses souffrances ; Gabriel, dans son Berry natal, clamant haut et fort son désarroi et sa détresse.

Tous les deux devenus indissociables dans la formule «Mis et Thiennot» ont clamé leur innocence jusqu’à leur dernier souffle ; Gabriel nous a quittés en 2003, Raymond en 2009.

Ici, à Saint Georges sur Arnon, 14e commune à honorer ces deux victimes d’une machination judiciaire, Raymond et Gabriel, bien que proches, redeviennent deux hommes bien distincts : des manifestions publiques se dérouleront soit dans la salle Raymond Mis,soit dans la salle Gabriel Thiennot. Comme d’ailleurs au Poinçonnet, qui a été, en 2005, la1ère commune à avoir nommé ainsi un espace public double.

Neuf ans après cette première inauguration, nous assistons avec la même émotion et le même plaisir à une cérémonie qui montre que la population n’a pas oublié cette affaire, que l’on ne peut pas oublier une erreur judiciaire.

C’est pourquoi nous poursuivons le combat de Raymond et Gabriel pour que la justice reconnaisse enfin qu’elle s’est lourdement trompée. Nous n’acceptons pas les jugements qui se basent sur des aveux obtenus sous la torture. Nous n’acceptons pas le mépris avec lesquelles juges ont traité Raymond et Gabriel lors de nos cinq requêtes en révision.

Nous attendons l’audience de notre sixième requête en révision au mois de janvier prochain avec impatience. 68 ans après les faits, les juges n’ont toujours pas fini de nous entendre. Nous attendons que la justice, jusqu’ici aveugle, ouvre grand les yeux pour voir que la soi-disant «vérité judiciaire» est inadmissible dans l’affaire Mis et Thiennot.

Nous ne pouvons pas nous résigner à accepter que la justice de notre pays soit défaillante.Chacun d’entre nous peut un jour se trouver, comme eux, au mauvais moment au mauvais endroit. Et nous tous avons besoin d’une justice qui sait se remettre en cause. Car nous sommes tous des enfants de Mis et Thiennot.

Helga Pottier, présidente du Comité de Soutien pour la Révision du Procès Mis et Thiennot